Pascal ESTIER, Maire des Ancizes-Comps (63),
vice-président du Collectif :
Pour la
quatrième fois depuis 2006, nous nous retrouvons ici, à l’appel du Collectif de
Défense et de Développement des Services Publics dans les Combrailles, sur ce
cite symbolique des Fades, entre barrage et viaduc, viaduc centenaire dans un
an, qui ne voit plus le passage des trains depuis décembre 2007.
Ce viaduc,
nous l’avons pris comme emblème, donnant rendez-vous à l’Etat en octobre, effectuant
un compte à rebours jusqu’au centenaire, pour prendre acte, chaque année, d’une
situation pour le moins contrastée, opposant le matériel des TER flambant neuf
aux couleurs de la région, et l’infrastructure ferroviaire obsolète, ruinée par
le manque d’entretien et l’abandon progressif,
pour prendre acte chaque année de ce que l’on appelle
tous les jours le désengagement de l’Etat,
Pour mettre,
chaque année, l’Etat devant ses responsabilités :
- à
choisir, d’une part, le maintien d’un service de transport collectif, ouvert
à tous, au meilleur coût, dans un territoire rural socialement fragile et
malgré tout riche d’équipements industriels de toute première importance,
drainant depuis les métropoles régionales, une main d’œuvre nombreuse et
pouvant induire la circulation importante d’un fret lourd,
-
à choisir, d’une part, le désenclavement et la
traversée de ce territoire, dans des conditions futures publiques de
développement durable, face à l’augmentation du coût des énergies et des
transports, impliquant obligatoirement des modifications de comportement,
- à
choisir, d’une part, simplement, à faire preuve d’une anticipation positive,
appuyée sur la présence d’une infrastructure existante, véritable colonne
vertébrale dans l’aménagement du territoire à l’échelle interdépartementale, aux
attaches costales solides à Clermont, Volvic, Les Ancizes, Saint-Gervais,
Saint-Eloy et Montluçon,
- ou
à choisir, d’autre part, le renoncement, la fermeture pure et simple de la
ligne, arguant du manque de fréquentation, laquelle ne pouvait plus
être importante compte tenu des ralentissements imposés, des temps de parcours
et des fréquences inadaptés, voire de la suppression intempestive des… trains,
ou encore de conditions de sécurité, à la fois dénoncées et non assurées par le
même organe de décision, l’Etat.
Vous
connaissez tous son choix : la fermeture pure et simple de la ligne en décembre
2007, et la pression mise sur d’autres collectivités, la région en tête, pour
déplacer la responsabilité d’une situation face à la demande citoyenne,
culpabiliser les élus locaux à la place des responsables nationaux et forcer
des financements régionaux remplaçant la participation et la péréquation
nationales.
Il faut bien
employer ici la notion de complot et de spoliation du bien public, par l’Etat
lui-même, à l’encontre de sa vocation par essence
constitutionnelle de garantie d’égalité des citoyens et des territoires.
Je dis
l’Etat, nous avons l’habitude de dire l’Etat, ce n’est peut-être pas tout à
fait ça, tant pour les Républicains que nous sommes, la définition de cette
entité peut recouvrir un monde bien plus large que le simple siège de la
décision.
L’Etat, cela
peut être la belle machine, j’ai envie de dire, ici, cela pourrait être la
belle locomotive qui, dans une démocratie, tire le projet de société que
le pouvoir législatif définit, apportant un cadre de vie, dans une
considération collective, à des citoyens respectés, libres et égaux,
Un cadre de
vie clair, précis, écrit sur tous les frontons de la République, organisé par
le travail et l’implication d’hommes et de femmes au service de cet idéal
d’Etat :
J’ai cité
les fonctionnaires, vous avez compris, des hommes et des femmes au charbon,
tous les jours, si je garde l’image ferroviaire.
Ce ne sont
pas les fonctionnaires qui sont en cause dans l’abandon de la mission d’Etat, et le
procès qui leur est fait, trop souvent et trop facilement, est aussi partie du
complot.
Les vrais
responsables sont connus, dans l’application jusqu’auboutiste
d’une politique ultralibérale, hystérique même depuis les succès, et il faut se
poser toutes les questions, des élections de 2007,
chaque jour
orientée vers la financiarisation de tous les secteurs, l’exacerbation des
individualismes contre la société, la désorganisation et le démantèlement des
services publics avec pour visée à très court terme leur privatisation et
l’exploitation de leurs activités, quand elles sont lucratives, par des
entreprises privées, ou leur fermeture pure et simple.
L’hystérie
est un maigre mot, si l’on considère que la politique, menée en rupture même
avec la réalité de Nation, peut toucher à la schizophrénie, par la proposition
sans cesse rabâchée de l’accélération des réformes, visant ni plus ni moins à
l’effacement de l’Etat devant la toute puissance des marchés,
visant
aussi, et c’est un crime, un infanticide républicain, à la disparition des
hommes qui assurent la fonction d’Etat, les fonctionnaires touchés à très court
terme par des dizaines de milliers de suppressions de postes.
Comment ces
responsables, qui sont les chauffeurs de la locomotive Etat, pensent-ils faire
pour assurer la suite du voyage, à une population qui, dans notre République, a
encore droit gratuitement à l’éducation, à la protection sanitaire et sociale,
à la justice…
qui a droit
encore, à des conditions acceptables, à l’accès à l’énergie, au transport, au
logement, au service postal -sans la présence et le travail des
fonctionnaires-
Le soutien
que nous devons à ces fonctionnaires, pour nous citoyens défenseurs des droits
fondamentaux et des services publics, doit être sans équivoque, entier et
sincère.
Les vrais coupables, organisateurs d’une
transformation de la société au détriment du peuple et au profit d’une infime
minorité, sont connus.
Ils sont
aussi connus pour vouloir anéantir l’histoire de la Nation, oublier les acquis
de la République, depuis deux siècles, remettant en cause la laïcité et
réintroduisant le religieux dans le politique,
pour vouloir
balayer aussi les acquis du Conseil National de la Résistance de 1944 qui avait
su forger notre modèle de société et renforcer notre démocratie, autour
notamment des services publics.
Les attaques
frontales de ces fondements, issus des périodes les plus terribles, les plus
difficiles de notre histoire, quand la solidarité seule a permis de tenir le
cap vers un idéal collectif et humain sont inacceptables.
Elles sont
assénées, sans relâche par la majorité présidentielle et ses représentants, par
les parlementaires au garde-à-vous, les ministres et bien sûr le Président de
la République lui-même, plus souvent dans un rôle de chef de parti que de
représentant du peuple français.
Peut-être
faudrait-il, pour nous citoyens, avoir plus souvent le courage, comme en
d’autres temps, de crier haut et fort des chefs d’accusation précis.
Je ne peux
me permettre ici de plagier la parole de Zola, par respect d’une part et parce
que ce serait trop long tant les coupables sont nombreux.
Ce n’est pas
l’envie qui me manque pourtant d’accuser dans le détail chaque ministre, chaque
directeur de service trop zélé, pour le sale boulot qu’ils effectuent dans le
massacre des services et des valeurs de la République :
- Darcos
à l’Education nationale – réformes ineptes – ici fermeture des classes –
Les Ancizes deux fois – Lapeyrouse
- Bussereau
aux Transports
- Marleix et Falco à l’aménagement du territoire et des
collectivités territoriales – probablement fermeture de la sous-préfecture de
Riom
- Dati à la justice, fermeture des tribunaux de Riom
- Fillon
en chef d’orchestre tout azimut.
En rapport
avec la situation très actuelle, la Ministre de l’Economie,
Lagarde, désespérante championne de l’optimisme béat qui tourne en permanence
le dos à la réalité pour dire sans cesse que le gros de la crise est derrière
nous (derrière elle peut-être).
Et enfin le
Président Sarkozy, peu touché lui par le paradoxe et la contradiction, qui
voudrait nous faire croire qu’il mange aujourd’hui son chapeau, après nous
avoir enfilé (je ne mets pas de guillemets) le traité de Lisbonne, frère jumeau
du Traité Constitutionnel Européen de 2005, refusé démocratiquement par le peuple
français.
Je vais
faire court, mais il nous faut ici faire un petit retour en arrière, pour
apporter peut-être quelques espoirs à nos actions contre les forteresses bâties
autour de la politique européenne.
La
principale des orientations du TCE de 2005 était de faire place nette à
l’activité privée, de laisser toute liberté d’action à l’exercice des marchés,
au capitalisme sauvage, au milieu financier, par-dessus tous les cadres
politiques, sans contrôle ni ingérence des Etats contraints sous la barre d’un
déficit normé.
Je ne vous
rappelle pas, ces derniers jours, avec quelle urgence, le « feu aux fesses »,
Sarkozy, tous les Présidents, tout le monde politique pro-traité font sortir
(il faudra tôt ou tard payer l’addition) les dizaines, les centaines de
milliards d’euros (quand si peu sont mobilisés pour le financement du RSA),
- pour
venir au secours du monde de la finance qui lui reste très discret sur les
énormes bénéfices engrangés ces dernières années,
- pour
venir au secours d’un monde irrationnel, théorique, où la valeur de l’action en
bourse basée sur la spéculation financière, n’a qu’un rapport élastique mais
dangereux avec la réalité économique et n’a aucun rapport avec la réalité de
votre quotidien à vous citoyens, français et européens.
Entend-t-on
dire que ce modèle d’Europe-là n’est pas viable, ou qu’il est déjà mort, non !
Ne comptez
pas sur les accusés de la liste précitée pour le dire à votre place, les
conneries sur la nécessaire moralisation du système suffisent à évaluer leur
degré de démagogie.
La parole ne
peut appartenir qu’au Peuple,
La parole
vous appartient.
La deuxième
orientation du TCE était la disparition clairement annoncée de tous les
services publics.
Beaucoup de
mal a déjà été fait, parce que les luttes sont disproportionnées entre un
système de décision éloigné et administratif et une réaction de la population
qui met du temps à comprendre que c’est le modèle de société, collectif et
public, qui est en danger.
On peut pas
jeter la pierre, il est normal, dans une démocratie, de ne pas soupçonner, à
priori et outre mesure, ses dirigeants.
Mais il est
grand temps de réagir et l’arrêt de l’hémorragie ne passera aussi que par une
toute autre crise, un soulèvement et une révolte légitimes dont les seuls
acteurs ne peuvent être, cette fois, que les peuples français et européens.
La parole,
l’action, sont dans le camp des citoyens, dans la mobilisation comme
aujourd’hui à une échelle locale, dans des manifestations plus
importantes au niveau régional, comme le 25 octobre à Clermont et, bien sûr, au
niveau national comme il sera évoqué tout à l’heure.
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Sur le plan
local, il est beaucoup question, ces jours-ci, vous avez pu le lire dans la
presse, d’investissements très lourds sur le site des Aciéries des Ancizes, au
cœur de ce territoire des Combrailles, susceptibles de multiplier l’activité,
de générer une augmentation des emplois, d’attirer des populations nouvelles.
Tous les
tapis rouges sont déroulés, engagements des collectivités locales, de la
Région, du Département, réflexions sur le logement, le recrutement, la
formation…
Il faut se
réjouir de telles perspectives dans un secteur où les bassins d’emplois et
d’activités sont implantés, au mieux, tous les 40 kilomètres, dans un pays
agréable certes, mais au développement difficile.
A quoi
serviraient tous ces tapis rouges, déroulés jusqu’aux gares désaffectées,
n’accueillant plus de voyageurs, jusqu’à des voies ferrées refusant le fret
industriel,
A quoi
serviraient tous ces tapis rouges déroulés jusqu’à des bureaux de poste fermés,
jusqu’à des permanences sociales fermées,
A quoi
serviraient tous ces tapis rouges jusqu’à des classes d’école fermées aussi, ou
désorganisées pour pouvoir accueillir de nouveaux enfants dans de bonnes
conditions,
A quoi
serviraient tous ces tapis rouges si après le primaire, ils ne conduisaient
jamais vers des classes d’enseignement supérieur, adaptées aux caractéristiques
régionales et accessibles à tous les jeunes dont nous connaissons les
conditions d’existence et d’épanouissement ici.
A quoi serviraient
tous ces tapis rouges s’ils n’étaient pas prioritairement support de la vie
dans notre territoire, support de votre vie, et votre présence aujourd’hui, en
ces lieux, doit aussi servir à cette prise en considération.
Sachez
qu’elle n’est pas inutile, votre présence, que votre mobilisation sert le
collectif et force les réactions de tous les rouages impliqués dans la défense
des services publics.
Depuis la
création du Collectif en 2006 et le constat d’une situation subie, elle
interpelle obligatoirement les élus qui ont à protéger l’action publique.
Elle a
participé à faire voter nombre de délibérations et de motions, à faire engager
par le SMADC (Syndicat Mixte d’Aménagement et de Développement des Combrailles)
une contre étude de réhabilitation de cette ligne, qui ramène le coût de sa
réparation de 40 M€ à 16,2 M€ et qui nous donne les plus grands espoirs,
Elle a
participé à la tenue en novembre 2007 d’une réunion aux Ancizes, organisée par
le Président du Conseil Régional, sur la question ferroviaire locale.
Les suites
amorcées par la pression de la Région, sur l’ensemble de son territoire
s’entend, ont pu conduire récemment à la présentation d’un plan rail Auvergne,
annonçant 60 M€ de la part de l’Etat, 60 M€ de la part de RFF, pour des
premiers travaux.
Il faudra
que la Région mette également 60 M€, si les discussions en restent là, car elle
n’a même pas été consultée sur le montant de sa participation et ne considère
pas aussi facilement intervenir en caution d’une décision unilatérale et
arbitraire mais avancé par les acteurs publics d’Etat défaillants.
Ce n’est
donc pas le moment de relâcher nos efforts, il faut continuer nos actions
concernant cette ligne SNCF certes, mais aussi garder toute notre vigilance sur
les écoles, les perceptions, et d’une façon accélérée dans les semaines à venir
sur la Poste.
Je ne
développe pas le sujet de la Poste, un orateur suivant, fera le détail.
Il nous faut
aussi, dans notre résistance, sortir du bois, rallier d’autres collectifs comme celui
de Thiers-Ambert, participer à d’autres manifestations comme celle du 25
octobre à Clermont (la Présidente du collectif nous en dira deux mots).
Il nous faut
faire connaître au grand jour nos positions, nos propositions, nos motivations
et nos espoirs.
Il nous faut
des adhérents, des participants, des acteurs et seule notre mobilisation
nombreuse permettra d’avoir un poids dans la lutte pour le maintien et le
développement des services publics,
Ce poids
c’est votre vie, c’est votre avenir, celui de vos enfants,
Il vous
appartient de décider si celui-ci sera dicté par un pouvoir qui n’a rien
d’humain et sur ce point, vous aurez, nous aurons raison de nous battre
ensemble.
En
conclusion, pardonnez-moi d’avoir été aussi long, mais la coupe était pleine
depuis trop longtemps ; je vous remercie encore une fois, au nom du Collectif,
d’être venus aussi nombreux.
Je finirai
par une proposition qui exprime bien toute la place et l’implication que doit
prendre l’homme dans la tourmente abstraite de la politique actuelle,
Obligatoirement,
L’homme doit
être sujet de son histoire,
L’Homme doit
être sujet de l’Histoire.